Jardins philosophes, jardins miroirs

2020-11-08

Et si la métaphysique de Descartes et la théologie de Pascal pouvaient se comprendre et se contempler dans un jardin ? C’est à la lumière des thèses des deux philosophes du Grand Siècle qu’Allen S. Weiss propose en tout cas de revisiter trois jardins de la plus pure tradition française créés par Le Nôtre : Vaux-le-Vicomte, Versailles et Chantilly, de rencontrer leurs trois commanditaires – , Louis XIV et le Prince de Condé – et, sans doute plus que tout autre chose, de découvrir ce que ces jardins et personnages disent de leur époque, de leur philosophie et des nôtres. Une occasion pour évoquer celle avec laquelle nous créons nos jardins chez Mingzhu Nerval…

Les visiteurs des jardins de Le Nôtre s’y promènent aujourd’hui avec des yeux de notre époque : en admirant l’esthétique géométrique ou les jeux d’eaux et de couleurs des jardins. Pourtant, avance Weiss, ces jardins sont de vrais puits d’histoire et permettent de véritables sauts dans la pensée des contemporains de leur création !

Lieux où mouvement et statique se chamaillent et se jouent des visiteurs, les jardins de Le Nôtre sont l’expression du passage du baroque au classique dans la France du XVIIè siècle. Vous pensez vous promener dans une allée continue jusqu’au vertugadin à Vaux-le-Vicomte ? La fantaisie et le goût pour l’illusion du baroque auront tôt fait de vous rattraper ! Arrivé au bout de la promenade centrale, quelle ne sera pas votre surprise de voir un large canal enterré vous séparer de ce qui semblait être dans le prolongement de l’allée ! Jeux d’illusion…et de formules mathématiques : Le Nôtre s’est inspiré pour ses créations végétales des découvertes de son temps. Perspective et anamorphose, rationalisation – pièces maîtresses de la délicieuse tromperie du promeneur de ses jardins – sont en effet le fruit des études de l’époque de Le Nôtre (scientifiques avec la Dioptrique de Descartes autant que picturales, avec Les Ambassadeurs de Hans Holbein), presque visuellement mises en pratique par le jardinier officiel de Louis XIV.

Les jardins de Le Nôtre sont aussi témoins de la relation de l’homme et de la nature à l’époque où tout semble possible, où l’excellence et le superbe ne sont matières que de travail ! L’homme peut se faire « maître et possesseur de la nature »…alors, pourquoi ne pas aussi l’utiliser à des fins esthétiques, ou même spectaculaires ? Le jardin de Vaux-le-Vicomte, qui vaudra à Fouquet son emprisonnement au titre de crime de lèse-splendeur en est sûrement l’exemple le plus probant. Des jardins, les hommes s’emparent pour montrer leur richesse, leur élégance, leur pouvoir : pour Versailles, Louis XIV commande un ensemble majestueux et infini, à l’image de sa propre personne presque divine. « Malgré, ou peut-être grâce à l’hybris manifestée à Versailles, le château et ses jardins fonctionnent en fin de compte comme l’une des plus spectaculaires représentations » où le Roi-Soleil, magnifié par toutes les allusions solaires que l’on peut trouver dans le jardin, encore ses courtisans à une visite aux étapes définies par ses soins dans son manuel Manière de montrer les jardins de Versailles.

Le Nôtre, dans chacun de ses jardins, fait ainsi miroiter les avancées scientifiques de son époque, les schémas de pensée de ses contemporains, et la manière dont les individus se placent dans leur environnement.

« Toute œuvre d’art sous-tend une métaphysique » écrit Weiss. Sans parler de métaphysique, les , d’œuvres, de jardins, sous-tendent en tout cas une véritable philosophie.

Chez Mingzhu Nerval, nous concevons chacun de nos jardins comme une manière de célébrer la nature, et sa beauté. Nous partageons la passion de l’excellence du Grand Siècle, et la destinons bien plus à contribuer à la sublimation de la nature, qu’à s’en rendre omnipotent possesseur, dérive malheureusement fréquente aujourd’hui. Nous voulons montrer à tous les visiteurs de nos jardins les sources d’inspiration sans limites que peuvent être les plantes. Regardez leurs couleurs, leurs formes, leur vie, leurs humeurs, tout ce monde qui cohabite avec celui que les hommes se sont créés.

En chaque lieu, nous respectons les cultures, nous écoutons les genius loci et leur donnons voix en mettant en valeur l’endroit et son unicité.

Chez Mingzhu Nerval, nous sommes aussi attachés à redonner sa place fondatrice à la nature, et l’aider à se développer dans les villes, dans les metros, dans les appartements, dans tous ces lieux que l’homme a pensés sans – voire parfois contre – elle. Cette aspiration, partagée par tous les artistes, architectes et salariés de Mingzhu Nerval est artistique bien sûr, mais elle découle aussi de la nécessité contemporaine de protéger la nature en danger, de remettre le vert dans nos vies, en respectant la sienne, de vie. Que cela soit dans l’étude réalisée avec Gensler ou chez les particuliers, les propriétés bienfaisantes des végétaux sont constatées. Les plantes sont l’un des premiers éléments constitutifs du bien-être. Elles favorisent la concentration, la productivité, la création. En un mot : elles sont indispensables à notre épanouissement, à titre individuel comme à titre collectif. Pour que le développement de nos sociétés soit durable, nous ne pouvons nous passer de la nature.

« Créer un jardin est peindre un paysage », écrit le poète Alexander Pope. Or, comme ce livre nous le rappelle si justement, chaque peinture, chaque jardin est celui d’une époque, d’une pensée, d’une philosophie. Et nous sommes heureux de cette occasion d’avoir pu vous partager à nouveau la nôtre.

Texte par Agathe Moissenet